L'horizon
15 May 2018 11:37
Après le stage tai chi à Giens...
L'horizon...
Je suis allée aux USA. Un long voyage que je faisais souvent dans le temps, mais là... je n'y avait pas été depuis plus de 10 ans, et voici mes pensées suite à ce voyage.
Je suis en colère. Mais je me contrôle. L’Arctique fond et avec ses glaces nos espérances s’amenuisent. Le pétrole, ce grand dinosaure, semble nous endormir, pour quel résultat?
Préparons-nous vraiment notre planète à ce que seule l’intelligence artificielle s’y épanouisse, à défaut de pouvoir la préserver pour qu’elle permette à nos enfants d’y vivre de façon raisonnée ?
Sommes-nous fous à ce point, de préférer la technologie à la vie?
Voilà mes réflexions en ce mois de mai. Mais, même si nous avons atteint le point de non-retour il nous faut continuer à résister, pour notre esprit, pour tout ce qui n’a pas de prix. C’est pour cela que je m’efforce de garder mon calme. Mais j’entre dans la résistance.
Depuis des années déjà j’ai banni la peinture acrylique de mes palettes, préférant pigments et liants naturels comme la colle à la caséine ou les médiums à l’encaustique (cire d’abeilles et résine de Dammar). Le pétrole et ses sous-produits nous ont envahis depuis les années 60 aux dépens de notre santé et celle de notre planète. Non, il faut choisir.
C’est ainsi que “Red Cloud” m’est venu. En peignant ces deux mots se sont glissés dans mon esprit. Je fais une recherche, et voilà : c’est un grand chef Lakota, celui qui a réussi à unir des tribus différentes afin de remporter une grande bataille.
Aujourd’hui c’est justement dans le même territoire que Standing Rock, là où l’on se bat encore contre le Keystone Pipeline, qui met en danger tout le grand bassin du Mississippi.
Pourquoi, vous demandez-vous peut-être, je m’exprime de manière si militante? Je reviens d’un voyage au pays de mon enfance, le middle-ouest américain. Cela faisait plus de 10 ans que je ne l’avais pas vu. Et ses vastes paysages me sont apparus comme ravagés. Les arbres, encore nus de l’hiver tardif avaient des branches cassées et beaucoup de bois mort à leurs pieds. Pire étaient les débris de plastique : des poches de tous genres parsemées dans les champs, et des gobelets vides qui, ne contenant plus leur boisson gazeuse sucrée, avaient été jetés par la fenêtre d’une voiture, une fois la soif d’un jour étanchée. Et pire encore le goût de l’eau du robinet qui coule chez les habitants. Du coup tout le monde achète de l’eau en bouteilles plastiques et ainsi de suite…
Je pleure de honte de ce que nous avons fait à ce pays et à cette planète. Et je me rends compte que nous n’avons plus le temps. Je viens de finir le livre d’Annie Lebrun, “Ce Qui N’a Pas de Prix”. Je vous le conseille. Je me rends compte comment l’art contemporain participe activement à ce carnage. Alors je suis en colère. En colère contre le ricanement cynique souvent présent dans les expositions dites “contemporaines” avec leurs jeux de miroirs sur une société autophage qui s’écroule. Non, le monde n’est pas une marchandise, et l’art non plus. Je n’ai d’autre choix que de prendre un autre chemin.
Devant l’impossible la seule porte d’espérance qui nous reste est celle de la poésie, la beauté de ce qui n’a pas de prix. Mais aussi j’ai grande confiance dans la planète Terre. Elle est belle quand-même et elle l’était bien avant qu’on existe. Quand les dinosaures sont devenus trop gourmands, trop gros et puissants elle a su s’en débarrasser. Elle va sûrement trouver un autre équilibre quand nous ne serons plus là pour l’en empêcher. On aura eu notre chance.
Alors je m’engage à optimiser le temps qui me reste.
Je suis en colère, mais je me tempère. Ce n’est pas pour autant qu’il faille se laisser basculer dans la laideur. Il serait trop simple de seulement réagir en régurgitant des vilénies. On pourrait penser s’en purger? Non, c’est une fausse espérance.
Je canalise, il faut transformer. Il faut oser la beauté, faire l’éloge de la beauté du monde. C’est dangereux, il faut éviter le décoratif, éviter le produit. Ce sont des rêves dont j’ai besoin, et de préserver mon réel. J’insiste sur le mot réel, car la réalité est vraiment malmenée.
L’ouverture d’un horizon, oui. Le champ des possibles.
juin 2018, Lin Schmidt
En fait je travaille encore plus. Mais je vais vers mes propres besoins. En ce moment c'est vers la couleur. Couleur et lumière.